Pierre Perrier est un grand scientifique français qui, outre sa spécialisation en aéronautique, a publié de nombreux ouvrages sur l’oralité évangélique araméenne. Ses livres dévoilent l’importance des traditions orales dans l’Église judéo-chrétienne naissante. Ils permettent de mieux comprendre la fidèle transmission des Évangiles dès les premières années de la vie de l’Église.
La langue la plus parlée à l’époque, de l’Espagne à la Chine, était en effet l’araméen, la langue même de Jésus (et non l’hébreu). L’oralité araméenne a donc permis une propagation rapide et très fidèle des évangiles dans toutes les terres connues de l’époque. Langue la plus fiable, plus que le grec, elle est ainsi, aujourd’hui encore, le meilleur porteur du sens des textes évangéliques. Or, l’Eglise catholique chaldéenne a conservé cette oralité araméenne. Aussi l’approche de Pierre Perrier puise-t-elle aux sources des traditions trop souvent méconnues des Églises orientales, en particulier de l’Église catholique chaldéenne. Les recherches de Pierre Perrier s’inscrivent dans la lignée des travaux effectués par le père Marcel Jousse, le cardinal Tisserant ou encore le cardinal Jean Daniélou.
Il est ainsi l’auteur de plusieurs ouvrages dont Évangiles de l’oral à l’écrit (Fayard - Le Sarment, 2000), Les colliers évangéliques (Fayard, 2003), La transmission des Évangiles (Sarment - Éditions du Jubilé, 2006), L’Évangile de la miséricorde : Avec les chrétiens d’Orient (L’évangile au Cœur, 2015) ; mais aussi : Thomas fonde l’Église en Chine (65-68 après Jésus-Christ) (Sarment - Éditions du Jubilé, 2008), L’apôtre Thomas et le prince Ying (Kong Wang Shan) : L’évangélisation de la Chine de 64 à 87 (Sarment - Editions du Jubilé, 2012). Car, Pierre Perrier, associé à des chercheurs chinois, défend aussi la thèse selon laquelle Saint Thomas serait arrivé jusqu’en Chine, dès le tout premier siècle, appelé par l’empereur Mingdi. Outre des écrits, des sculptures en témoigneraient, et une fois encore, l’araméen y serait pour beaucoup.
Revenons-en à l’Evangile de la Miséricorde (préface de S.B. Mar Louis Sako, Patriarche de Babylone des chaldéens et postface de S.E. le Cardinal Philippe Barbarin, 2015, 20 euros, 495 p.). Pierre Perrier nous explique que nous avons conservé les textes des Évangiles en cette belle langue que parlait Jésus. Depuis probablement 66-67, avant la destruction de Jérusalem en 70, des textes de référence des quatre Évangiles furent copiés par sécurité pour être déposés et servir de référence à Ninive (Mossoul) et nous avons des copies, certes postérieures aux persécutions sassanides, mais dont certaines avec un colophon (attestation d’origine marquée sur les premières pages) notant que leur copie avaient été faite sur le premier texte rapporté à Ninive par un des 72 disciples.
Approfondissant ses recherches sur l’oralité araméenne, il défend la thèse selon laquelle les évangiles se seraient fidèlement propagés grâce à des « colliers évangéliques ». Un collier évangélique désigne un ensemble de textes à réciter à la file pour former un texte long que l’on sait réciter par cœur éventuellement avec un aide-mémoire. La tradition veut que la récitation d’un texte oral long et chanté soit aidé par un collier (autour du cou où se trouvent les cordes vocales) et, si le texte est mimé, avec la main portant un bracelet. Ainsi les Évangiles étaient-ils constitués et conservés grâces à ces véritables colliers. Un évangile complet serait constitué d’environ de 300 perles (une perle est une récitation de paroles ou de gestes comme une histoire ou une danse). Il y avait des colliers de 5 ou 10 ou bien 25 ,50 ou même 100 perles. Plus le collier est petit plus il est facile à retenir, pour des colliers plus gros, de 25 perles par exemple, il faut un certain entrainement. Les prêtres et les diacres, dans les églises célébrant en araméen, savent par cœur tous les textes de leurs liturgies. En araméen on distingue les colliers par leur thème : collier de l’enfance, collier de l’envoi en mission, collier de la Passion…. Collier de la miséricorde.
Au-delà, grâce à cette technique particulière des « colliers évangéliques », Pierre Perrier veut participer à la nouvelle évangélisation. Il n’a de cesse de défendre l’idée que la rumination constante de la Parole elle-même, dans sa pureté primitive, est capable de changer le cœur de l’homme, même le plus pécheur. Aussi son livre, l’Evangile de la Miséricorde, tente d’enseigner au lecteur comment apprendre par cœur, avec le cœur, peu à peu, les évangiles de la Miséricorde. La résurrection du fils unique de la veuve de Naïn, le fils perdu, le bon samaritain, Marthe et Marie, la veuve importune... autant de perles précieuses à conserver comme le plus grand des trésors.